Fichier clients et franchise : garde partagée ou exclusive en fin de contrat ? (Cour de Cassation, Chambre commerciale, 27 septembre 2023, n°22-19.436)

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Avocats, Conseils en réseaux
15/11/2023

La Cour de Cassation a été récemment saisie d’une affaire opposant plusieurs anciens franchisés d’un réseau de prêt-à-porter à leur franchiseur. Au terme du contrat de franchise, la tête de réseau avait omis de leur remettre une extraction de leur fichier client, amenant un groupe de franchisés à faire part de leurs doléances en justice.

Il importe à titre préalable de relever qu’il s’agissait d’une affaire en référé : les juges n’étaient pas amenés à se prononcer sur le fond, mais sur l’existence d’un « trouble manifestement illicite » ou la menace d’un « dommage imminent » justifiant que le juge des référés prenne des mesures conservatoires ou de remise en état.

Deux questions essentielles ont été abordées en l’espèce :

1. Le franchiseur est-il tenu de remettre aux anciens franchisés en fin de contrat une extraction de leur fichier client ?

Affirmatif : le franchiseur est condamné en ce sens. Il avait d’ailleurs pris le parti de transférer aux anciens franchisés leurs fichiers clients sans attendre l’arrêt de la Cour de Cassation.

Pour deux raisons :
– D’une part, il est utile de rappeler que le franchisé est un commerçant indépendant, propriétaire d’un fonds de commerce, auquel est attaché une clientèle. La clientèle est ainsi à la fois « nationale », attachée à la marque, mais également locale, attachée au commerce (principe établi depuis un arrêt de la Cour de Cassation du 27 mars 2022, n°00-20.732)
– D’autre part, le contrat de franchise prévoyait expressément que le franchisé était propriétaire de son fichier-client.

2.Le franchiseur peut-il poursuivre l’usage du fichier client des données collectées par d’anciens franchisés après la fin du contrat ?

Négatif dans le cas d’espèce : le contrat de franchise prévoyait une gestion du fichier client par le franchiseur, ainsi qu’un droit de préemption en cas cession du fichier-client. Ce dont il pouvait être déduit la nécessité pour le franchiseur de passer à la caisse s’il souhaitait s’approprier les fichiers clients des franchisés. Il ne prévoyait en outre pas la faculté pour le franchiseur de poursuivre l’usage du fichier en fin de contrat.

Quid dans l’hypothèse d’un contrat prévoyant expressément cette faculté ? La question n’est pas tranchée. L’arrêt ne se prononce pas sur le fond ; et un autre arrêt – également rendu en référé – est venu considérer que la clause permettant au franchiseur de poursuivre l’usage du fichier client était susceptible de permettre un détournement de clientèle et d’être entachée d’un « déséquilibre significatif » (Cour d’appel de Paris, n° 13/04683). De là à en déduire qu’une telle clause serait systématique nulle ? Le doute demeure en l’absence de décision au fond à cet égard.

Quelles conclusions en tirer :

– Le franchisé doit à tout moment – y compris en fin de contrat – pouvoir accéder à son fichier client ; techniquement, il est donc nécessaire de pouvoir isoler les clients embasés par chaque franchisé, afin de lui permettre de réaliser une telle extraction s’il le souhaite. Même en fin de contrat ; et même s’il est soumis au respect d’une obligation de non-concurrence post-contractuelle.

– Sur le plan de la règlementation relative au traitement des données personnelles (découlant essentiellement du « RGPD »), il est utile d’organiser les aspects de la relation entre franchiseur et franchisé, au moyen d’une annexe au contrat de franchise dédiée.

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15/11/2023
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