Dans la perspective d’assurer la compatibilité de la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (loi Influenceurs) avec le cadre juridique européen, notamment en réponse aux observations formulées par la Commission européenne, la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 (Loi DDADUE 4) était venue abroger plusieurs dispositions, à savoir :
- l’article 10 relatif aux fournisseurs de services d’hébergement (hébergeurs, plateformes en ligne…) ;
- l’article 11 relatif aux fournisseurs de plateforme en ligne (places de marché, réseaux sociaux, plateformes de partage de contenu…) ;
- l’article 12 relatif aux fournisseurs de services intermédiaires (fournisseurs d’accès, services de cloud, navigateurs et services d’hébergement) ;
- l’article 15 concernant les protocoles d’engagements des plateformes ;
- l’article 18 prévoyant l’entrée en vigueur de ces exigences.
La loi DDADUE habilitait également le gouvernement à modifier la loi Influenceurs par voie d’ordonnance en vue de préciser certaines dispositions de la législation française pour les rendre compatibles aux textes européens.
Au cours de l’été, nous vous informions qu’un projet d’ordonnance de mise en conformité avait été notifiée à la Commission européenne. La version finale de cette l’ordonnance vient d’être publiée au Journal officiel du 7 novembre 2024[1].
Cette ordonnance vient pour l’essentiel adapter les interdictions de promotion en ligne dans le secteur de la santé, apportant un cadre juridique plus précis en la matière.
Dans ce cadre, l’article 4 (I et II) de la loi Influenceurs a été modifié pour préciser les points suivants :
- Article 4.I : L’interdiction de promouvoir, de manière directe ou indirecte, des actes, procédés, techniques ou méthodes à visée esthétique s’applique désormais à ceux « susceptibles de présenter des risques pour la santé des personnes ». Il s’agit ainsi d’un assouplissement permettant à contrario de promouvoir des actes à visée esthétique ne présentant pas un tel risque.
- Article 4.II : L’interdiction de promotion, directe ou indirecte, des produits, actes, procédés, techniques et méthodes présentées comme comparables, préférables ou substituables à des actes, protocoles ou prescriptions thérapeutiques s’applique désormais aux actes à caractère « non thérapeutique ». Cette précision vise ainsi la promotion liée à l’abstention thérapeutique ou aux pseudo-traitements, en référence avec la lutte contre les médecines dites non-conventionnelles ou contre les dérives sectaires.
Sur le reste, l’ordonnance vient :
- clarifier la rédaction des sanctions applicables aux différentes interdictions promotionnelles en les alignant sur celles prévues pour les pratiques commerciales trompeuses, conformément à l’article L. 132-2 du code de la consommation. Ces sanctions comprennent une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende, éventuellement assortie d’une interdiction d’exercer une activité professionnelle ;
- assouplir les conditions d’information des consommateurs sur les images retouchées et les images virtuelles dans le cadre de l’évolution rapide des technologies et normes juridiques (notamment le règlement européen sur l’intelligence artificielle du 13 juin 2024). Les mentions indiquant qu’une image a été retouchée ou produite par une intelligence artificielle doivent rester claires, lisibles et compréhensibles (Article 5 de la loi Influenceurs). Toutefois, elles peuvent désormais être remplacées par des formulations équivalentes, adaptées aux spécificités de l’activité d’influence et au format du support de communication, offrant ainsi une certaine flexibilité sous le contrôle des autorités compétentes.
- respecter le principe du pays d’origine (directive sur les services de médias audiovisuels dite “SMA” de 2010 et directive e-commerce), tout en rappelant les exceptions à cette règle ;
- mettre en conformité avec le droit européen les dispositions sur l’affichage de l’intention commerciale (directive sur les pratiques commerciales déloyales de 2005). Le nouvel article 5-2 de la loi Influenceurs prévoit que ne pas indiquer de manière claire, lisible et compréhensible l’intention commerciale poursuivie par un influenceur constitue une omission commerciale trompeuse, sauf si cette intention est évidente dans le contexte, les mentions comme « publicité », « partenariat commercial » n’étant désormais plus une obligation stricte comme auparavant.
- ajuster la rédaction de l’article 9 de la loi pour préciser qu’il s’applique aux influenceurs résidant à l’étranger ciblant un public en France (pour la désignation un représentant légal dans l’UE et la souscription d’une assurance civile dans l’UE).
Conformément à la loi DDADUE, un projet de loi de ratification sera déposé dans les trois prochains mois devant le Parlement, afin que celui-ci revête une valeur législative.
Enfin, l’ordonnance doit donner lieu à la publication de décrets au titre des articles 5-1 et 9-I, ainsi qu’en principe aux décrets attendus depuis la loi Influenceurs. On pense notamment à cet égard au décret devant fixer le seuil à partir duquel un contrat écrit entre agence et influenceurs devient obligatoire, qui demeure toujours en attente.
L’ensemble de ces précisions pourront prochainement amener à une réflexion sur les pratiques du secteur et à la rédaction des contrats entre influenceurs et annonceurs ou leurs agents.
Affaire à suivre, donc !