Tour d’horizon des obligations du franchiseur en matière d’information précontractuelle

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Avocats, Conseils en réseaux
23/09/2024

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Poitiers le 9 juillet 2024 (Cour d’appel de Poitiers, 9 juillet 2024 n°24/00079)  est une bonne occasion de faire le point sur l’obligation d’information précontractuelle du franchiseur.

Dans cette affaire, un franchisé ayant fraîchement intégré un réseau de franchise d’agences automobiles sollicitait notamment la nullité du contrat de réservation ainsi que du contrat de franchise conclu avec le franchiseur.

Son projet d’ouverture avait rapidement échoué puisqu’un peu moins d’un an après la signature du contrat de franchise, le franchiseur avait notifié au franchisé la résiliation du contrat de franchise pour manquements contractuels.

Plusieurs questions devaient être tranchées par la Cour d’appel de Poitiers, lesquelles seront abordées successivement ci-après :

  1. La nullité du contrat de réservation

Avant de signer son contrat de franchise, le franchisé avait conclu un contrat de réservation,  au titre duquel le franchisé bénéficiait d’une exclusivité pour ouvrir une agence à l’enseigne du réseau au sein d’une zone géographique déterminée. En contrepartie de cette réservation, le franchisé s’était acquitté d’un montant de 8.100 euros TTC en l’espèce.

La Cour d’appel prononce la nullité de ce contrat de réservation puisque le franchiseur n’avait pas remis de Document d’Informations Précontractuelles (DIP) au franchisé avant sa signature.

En effet, si le franchiseur est tenu de remettre un DIP au moins 20 jours avant la signature du contrat de franchise, il est également tenu de remettre un tel document au moins 20 jours avant la signature d’un contrat de réservation de zone.

A noter : le franchiseur a toutefois la possibilité de remettre au franchisé un DIP présentant à la fois les conditions juridiques et financières du contrat de réservation et celles du contrat de franchise.

  1. La nullité du contrat de franchise

Plusieurs arguments étaient invoqués par le franchisé.

Mais avant de les étudier, la Cour d’appel de Poitiers rappelle le principe cardinal en la matière : le manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d’information n’emporte pas ipso facto nullité du contrat de franchise.

Le franchisé doit prouver que ce ou ces manquements a/ont vicié son consentement.

A cet égard, le franchisé prétendait que les informations contenues dans le DIP étaient gravement mensongères, et à l’origine d’une erreur sur la rentabilité de son agence.

Plus précisément :

  1. a) Le franchisé reprochait au franchiseur de lui avoir dissimulé la déconfiture de nombreux franchisés du réseau

La Cour d’appel rejette néanmoins cet argument au motif que ces faillites étaient toutes survenues postérieurement à la remise du DIP et quasiment toutes après la signature du contrat de franchise.

En pratique, il est recommandé à cet égard d’indiquer dans le DIP remis à un candidat franchisé les procédures collectives ouvertes à l’encontre de membres du réseau.

En ce sens, dans un arrêt du 26 juin 2024 (Cass. com. 26 juin 2024 n°23-14.085), la Cour de cassation indique d’ailleurs que dans l’hypothèse où, entre la date de remise du DIP et la date de conclusion du contrat de franchise, des procédures collectives sont ouvertes à l’encontre de membres du réseau, l’absence de communication de cette information au franchisé par le franchiseur est susceptible de vicier son consentement. Et par conséquent d’entraîner la nullité du contrat de franchise.

  1. b) Le franchisé remettait en cause la pertinence de l’étude de marché fournie par le franchiseur

La Cour d’appel rejette toutefois cet argument en considérant que le franchisé ne démontrait pas que cette étude de marché était inexacte.

Ce point est l’occasion de rappeler que le franchiseur n’est en aucun cas tenu de remettre une étude de marché à un candidat franchisé.

Mais uniquement un état de marché général et local.

Si le franchiseur communique toutefois une telle étude de marché, il doit veiller à ce que les informations qu’elle contient sont exactes et non susceptibles d’induire le candidat franchisé en erreur.

  1. c) Le franchisé soutenait que le prévisionnel d’activité remis par le franchiseur était illusoire et l’avait induit en erreur

La Cour d’appel rejette toutefois cet argument en relevant que :

  • Le DIP précisait que le compte prévisionnel remis au candidat franchisé avait vocation à lui permettre d’apprécier la rentabilité moyenne d’une agence du réseau et que ce prévisionnel était remis seulement à titre indicatif.
  • Le franchisé ne démontrait pas que les chiffres d’affaires et résultats de ce prévisionnel étaient manifestement irréalistes.
  • La circonstance que nombre de franchisés du réseau avaient été placés en procédures collectives ne permettait pas de conclure à l’absence de rentabilité du concept.
  • Le franchisé en cause avait obtenu un financement bancaire ainsi qu’une aide à la création d’entreprise ce qui constituait des indices de la faisabilité du projet du franchisé.

Ce point est l’occasion de rappeler que le franchiseur n’est en aucun cas tenu de remettre à un candidat franchisé un prévisionnel d’activité.

Si le franchiseur souhaite communiquer certains chiffres à un candidat, il est notamment recommandé de :

  • Fournir des performances moyennes des membres existants du réseau – sans retenir uniquement celles des franchisés performants.
  • Préciser que ces performances sont purement indicatives et que le candidat est tenu d’établir son propre prévisionnel d’activité avec l’aide de ses propres conseils.
  • Rappeler que ces chiffres ne présagent aucunement de la réussite future du franchisé, laquelle dépend de nombreux facteurs tels que la situation de l’emplacement choisi, l’implication du franchisé dans son exploitation, la conjoncture économique, etc.
  1. d) Le franchisé reprochait au franchiseur de ne pas lui avoir déconseillé d’ouvrir son agence dans l’emplacement qu’il avait choisi

La Cour d’appel rejette cet argument en considérant que le choix du local du franchisé était l’affaire… du franchisé. Qu’en outre, ce dernier connaissait la zone où il avait ouvert son agence puisqu’il y résidait, à l’inverse du franchiseur. Et enfin que les paramètres du local ne laissaient aucunement présager que celui-ci n’était pas adapté.

Pour rappel, le franchisé est un entrepreneur indépendant. Il est donc primordial que ce dernier accomplisse lui-même les formalités nécessaires au lancement de son activité, et notamment pour le choix de son local.

Le franchiseur ne doit pas s’immiscer dans ce choix, même s’il peut aider le franchisé dans cette tâche.

Il peut par exemple remettre au franchisé un dossier comportant les caractéristiques recherchées pour un point de vente du réseau (ouverture en centre-ville / en périphérie de ville ; zone avec une part importante de telle tranche d’âge ou telle catégorie socio-professionnelle ; ville avec telles spécificités, etc.).

Il peut également lui recommander des prestataires (ex : agents immobiliers) en mesure de l’aider dans ses recherches.

  • La Cour d’appel en conclut que le contrat de franchise en cause ne devait pas être annulé puisque le consentement du franchisé n’a pas été vicié.

Elle relève également que l’échec du projet du franchisé était en réalité lié à ses nombreux manquements : manque d’attractivité et de propreté des locaux, absence de mise en place d’un site Internet, absence d’apposition de l’enseigne du réseau, difficultés au niveau du recrutement…

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23/09/2024